La main molle et le regard fixe, Elestial faisait bouger sans aucune conviction sa plume contre le papier du carnet qui lui servait de journal intime, gribouillant ainsi au coin d’une page. A vrai dire, cela devait faire une bonne heure qu’il était resté là, assis, bêtement, sans réfléchir sur quoi écrire. Il avait l’esprit totalement vide, et l’ennui le blasait tellement que l’écriture n’était pas la chose à laquelle il avait envie de consacrer du temps en ce moment même. Dans ce genre de moment, il n’y avait pas des masses d’autre sujet qui l’intéressait à part celui-ci : l’alcool. Un petit verre bien frais pour passer le temps dans ce genre de plomberie, c’était nickel. Me direz-vous, qu’est-ce que cela pouvait bien faire à un vampire ? –oui, je vous assure que ces créatures peuvent ingurgiter de l’alcool sans en mourir ou on ne sait pas quoi d’autre bêtises du genre–.

Il posa sa plume sur le papier vierge. Ses yeux se levèrent, et il inspira lentement avant de se laisser glisser contre sa chaise : il allait sortir, c’était décidé. Rester autant enfermé était vraiment trop cruel, lui qui aimait rester le long de la tamise, et bouger dès qu’il en avait l’occasion. Malheureusement, le soleil était encore présent ; voilà pourquoi il n’était toujours pas sortit. Bien qu’il soit à présent vampire, il avait gardé son rythme de sommeil humain : pas de sommeil la journée, mais la nuit. Bien sur, Black Valentyne ne se gênait pas de le rabaisser à ce sujet, car il n’arrivait pas à « tourner la page » sur ce qu’il était avant, alors que ce qu’il était maintenant était d’après lui, beaucoup plus noble, mieux et plus agréable à vivre. Oui, c’est vrai, sucer le sang des êtres vivants, c’était quelque chose de totalement fun, tout le monde rêve de faire ça…

Elestial se leva de manière nonchalante puis s’étira difficilement, le dos crispé. Il regarda autour de lui et alla saisir sa veste, avant de sortir de sa chambre, vérifiant de bien fermer celle-ci à clé –il était plutôt secret et intime de nature–, puis il entama le chemin dans ce grand château pour essayer de trouver la sortie. Une fois celle-ci trouvée, il s’assura que le soleil s’était correctement couché, et enfin s’en alla dehors, une impression de liberté dans la peau. C’est donc avec l’idée de trouver un bar dans la tête qu’il traîna le long de quelques rues quasiment désertes, le regard volant d’un bâtiment à l’autre. Plus sa progression n’avançait, plus la vue d’un pub semblait perdue, puis soudainement, il s’arrêta en haussant les sourcils. Tien… Qu’est-ce que c’était, ça ? Un cabaret … ? Vu le nom du truc et l’affiche, en effet, c’en était un. Il s’approcha de manière curieuse, lu diagonalement le texte affiché, puis finalement décida de rentrer dans l’enceinte de la bâtisse, n’ayant après tout, que ça à faire. Et puis qui disait cabaret, disait forcément boisson alcoolisées, non ?

L’endroit était beau, raffiné et bien entretenu. Le décor était dans le thème de l’endroit, et l’homme à l’accueil aborda directement le ténébreux. Ce dernier voulant voir l’intérieur du lieu, dû payer une place, et s’en alla donc vers le cœur de l’endroit –peut importait les dépenses, ce n’était pas son argent–. Plus ses pas l’y amenait, plus il entendait des bruits, des chants et de la musique. Dans une ambiance presque intime et par des lumières tamisés, Elestial admira la grande pièce et la scène, n’ayant jamais rien vu de tel encore. Son regard fut vite captivé par le bar qu’il aperçut, et dans un sourire, il s’y rendit avant de se commander quelque chose à boire, désormais content d’être arrivé à bon port. Toutefois, il ne se doutait pas que le prochain spectacle à monter sur scène dans quelques minutes allait étrangement capturer son attention…

Le barman qui se tenait au comptoir lui servit finalement son verre, et cela fut un soulagement pour le jeune vampire. Il avait enfin son dû. Peut-être reviendrait-il ici de temps à autre, si tout du moins les boissons n’étaient pas trop dégueulasses ; il apporta le verre qu’il avait dans sa main jusqu’à ses lèvres et avala une gorgée du liquide. D’accord. Il reviendrait ici plus souvent. C’était la première fois qu’il gouttait à une boisson aussi bien faite : à croire que selon les endroits où il allait, il n’y avait que le nom du truc qu’on lui servait qui était le même, car le gout, c’était tout autre chose. Il avait haussé un sourcil et regarda un moment son verre, avant de finalement le poser, et de se détendre un peu en ne pensant à rien de ce qui l’attendait dans ce froid et cruel Manoir qu’était celui des Valentyne. Il ne prêtait pas attention à ce qu’il se passait sur la scène, ni à ce que pouvait dire les gens autour de lui. De toute façon, regarder des gens danser, il avait mieux à faire.

Lorsque la salle se mit à applaudir les artistes en scène, le brun se redressa légèrement, et bu une nouvelle gorgée de sa boisson. Il avait le regard fixe sur une peinture murale qui était absolument magnifique, et, s’amusant à la détailler, il laissa sa main bercer son verre, l’alcool suivant le geste à l’intérieur de celui-ci. Lorsque finalement, il s’apprêta à finir celui-ci, la voix d’un homme sur scène attira son attention. « Mesdames et Messieurs, vous l’attendiez. Elle est le clou du spectacle, la déesse du cabaret, je vous pris de faire un tonnerre d’applaudissement à notre princesse, mademoiselle Lewis ! », Elestial afficha un air renfrogné. Le clou du spectacle ? La déesse du cabaret ? N’en faisaient-ils pas tous un peu trop ? Même la foule se prenait au jeu et lançait un tonnerre d’applaudissement… Bah, après tout, cela faisait partie du show non ? De toute façon, il verrait bien. Pour le moment, il se concentra à nouveau sur son verre et le fini, avant de le poser dans un soupire lassé. Ce qu’il allait se passer sur scène, ça lui était égal… Ou pas ?

Lorsqu’il y eu du mouvement et que les gens se mirent à siffler, applaudir, acclamer même !, la personne qui marchait sur les planches de la célébrité, les yeux bleus du brun se posèrent sur l’adorable créature qui s’agitait sur scène jusqu’au piano. Il ne pouvait le nier, elle était belle. Très belle, même. Ses courbes étaient mises en valeur à l’aide de sa robe, et son visage légèrement maquillé n’était ni trop, ni pas assez, bien que de loin, il préférait le naturel. Ses yeux semblaient transpercer les plus profondes pensées des personnes dans la salle. Il était bien dur à présent pour lui de détacher ses yeux de la demoiselle et cela l’énerva au fond ; et puis quoi encore maintenant, après l’alcool et la drogue, il n’allait quand même pas faire la cerise sur le gâteau et s’attaquer aux demoiselles ? Non, il préférait penser à autre chose et ne pas se rajouter d’autres problèmes sur le dos… Pour le moment, de toute façon, il se tourna légèrement afin de pouvoir contempler le spectacle de manière à ne pas se tordre le dos en deux.

La voix qui résonnait à présent dans la salle était belle et grave, et tout le monde fut à nouveau envouté. Tout le monde sauf le brun qui fronça un sourcil et posa son coude au comptoir, laissant sa joue s’aller contre la paume de sa main. En fait, ce n’était pas à cause de la voix qu’il affichait cette tête, mais à cause de l’histoire qu’elle contait… Amour, vengeance et joie ? Totalement stupide ! Un sourire ironique marqua les lèvres d’Elestial, tandis que sa main sur sa cuisse se serra lentement. Depuis quand, dans une histoire où il y avait de la vengeance, y avait-il de la joie au bout du compte ? Si cela existait vraiment, alors pourquoi lui-même n’avait il pas eu le droit à ça, à ce « happy ending » ? La joie… Que pouvait-être ce sentiment ? Après tout, il n’avait goûté qu’au goût salé des larmes depuis qu’il était né, il lui était donc difficile de regarder posément ce genre d’histoire car elles lui paraissaient toutes totalement erronées. Néanmoins, il fini par se calmer et se redressa convenablement, relativisant : Ce n’est qu’une histoire, un vulgaire conte, comme ce que l’ont dicte aux enfants le soir pour les endormir. Dans tout les cas, cela n’empêchait pas qu’il appréciait la voix de la jeune femme. Il se recommanda un verre et, faisant de nouveau dos à la scène, ne regarda pas la révérence et le départ de la demoiselle.

A nouveau avec un verre d’alcool à la main, il fini ce dernier rapidement, et décida qu’il était temps de prendre le large. Une petite balade sur la tamise lui ferait beaucoup de bien ; l’air du large, rien de mieux. Il se leva donc, ses verres étant compris dans le prix de son tiquait et à ce moment là, il heurta quelqu’un. Il n’avait pas fait attention, et voilà où ça l’amenait : un contact physique, génial. Un verre s’éclata au sol et il tourna sa tête vers la personne qu’il avait accidentellement bousculé avant de froncer subitement les sourcils : c’était la femme qui était sur la scène. Décidément, pour un manque de bol, c’était un manque de bol ! Il baissa son regard vers le sol et constata que la boisson de l’artiste avait finalement volé en éclat par sa faute. Si ça n’aurait tenu qu’à lui, il aurait pris la poudre d’escampette depuis bien longtemps et ce sans s’excuser, mais non : là, il ne savait pas pourquoi, il ne pouvait s’y résoudre. Peut-être à cause du charme de la femme en face, qui sait ?

Soupirant légèrement, il releva son regard vers la dénommée « Lewis » et tâcha ainsi de s’excuser d’un ton neutre.

« –Excusez-moi, je ne vous avais pas vu. »

Et sur ces mots, il aurait pu se contenter de partir, mais non. Il se sentait d’humeur à faire une remarque qu’il avait gardé dans le coin de sa tête, durant tout le spectacle. Tandis qu’un homme de service avait fini de ramasser les dégâts, le brun regarda la foule et s’adressa de nouveau à la jeune femme ;

« –C'est mal de raconter ce genre de mensonges à un public qui à l'air aussi dévoué que celui que vous possédez, vous savez. »

Finalement, il déposa son regard dans le sien et afficha un léger sourire ironique. Ce n’était que sa vision des choses après tout… L’espérance, ce qu’il devait baigner dans le cœur de chaque être dans la salle, avait quitté depuis bien longtemps celui du ténébreux.

Maintenant qu’il avait lancé sa phrase sans gêne, il aurait voulut tourner les talons et s’en aller ainsi, ce qui aurait surement laissé dans une sorte de confusion la demoiselle, mais non. Celle-ci c’était avancé d’un pas, et faisait face au brun, le regardant dans le blanc des yeux, d’un regard enflammé. Il n’était pas habitué à ce que les gens réagissent ainsi à ses phrases et gestes, étant donné qu’en temps normal, la tête blasée qu’il affichait ne donnait pas envie de lui répondre ou de prendre la peine de lui parler, et encore moins son regard froid et hautain. Enfin bref ; cette jeune femme n’avait froid aux yeux ! Elestial plissa les yeux et lui lança un regard mauvais. On aurait pu même croire qu’il allait grogner tel un animal sauvage, mais il ne fallait pas pousser non plus. Il savait que c’était sa faute pour le verre, mais elle n’allait quand même pas lui pondre toute une histoire à ce propos quand même ? Elle peut en recommander un autre, elle qui bosse ici –en fait, il n’avait pas remarqué que la robe de la dite « Lewis » avait été aspergée du liquide, donc forcément…–. Enfin bref, le brun la toisa du regard, et l’observa ainsi croiser les bras.

Au début de sa nouvelle tirade, Elestial haussa un sourcil. Au fur et à mesure, il prit un air renfrogné, puis finalement afficha une tête lassée. Toujours de l’espoir ? De la joie au bout du compte ? Pouvait-elle lui dire alors, comment rallumer une lumière dans ce noir abîme, sachant qu’il n’avait ni bougies, ni allumette ? Ce n’est qu’une imagine, mais c’était comme ça qu’il percevait sa situation à présent. Se faire transformer en vampire, c’était la cerise sur le gâteau. Ils auraient du le laisser mourir noyé aux cotés de sa cœur, ça aurait mieux valut. Ça lui aurait évité les reproches contres lui-même, Lawliet qui le coursait toujours pour le tuer, et ces affreux cauchemars qui le rongeait de plus en plus. C’est sûr que d’être comme il est n’arrange rien, et que tourner la page était important pour se sentir mieux mais ; comment tourner une page où l’ont vivait encore ? Il avait les pieds en plein dans le plat ! Et les soucis ne s’arrêtaient pas là, maintenant il avait Blake Valentyne sur le dos, et toute la famille en prime. Il aurait voulu se sauver loin de Londres s’il avait pu, mais la menace du chef de famille l’en dissuada : « essaye de t’enfuir et tu te retrouveras enchaînés pieds et mains liées, pour rester enfermé à tout jamais dans les caves du Manoir. » Très cool, très classe, très soft en effet… Puis bon, entre nous, il avait mieux à faire que de parcourir le monde entier avec son frère collé à son cul. Ici au moins, il était en « sécurité ».

Oh bon sang comme il avait envie de l’envoyer balader. Les nerfs à vifs, il restait toutefois d’un calme exemplaire, dont il savait faire preuve si rarement maintenant. Qu’est-ce qui le rendait aigrit ? La bonne question. Elle l’avait deviné toute seule, ça ? Pfeuh… Qu’est-ce qu’elle savait du vampire, en plus ? Elle ne sait pas le quart de ce qu’il à traversé. Rien que de montrer les cicatrices que pouvait abriter son dos lui ferait rabaisser son caquet. En tout cas, ce n’était pas sa phrase qui fit tendre les muscles d’Eles, mais bel et bien son sourire et ses petits airs de jeune fille supérieure. Elle avait beau être dans SON cabaret, elle était bien dégourdie ! Le brun avait horreur de ce genre de personnes… Bien que ce fût la première fois qu’il en voyait une. Dans un sens, avoir du culot, ça lui plaisait ; mais pour le coup, il n’avait pas besoin de ça. Un geste qu’il ne vit pas venir lui fit ouvrir en grand ses yeux, ses sourcils se fronçant. S’il ne s’était pas retenu, il aurait été attrapé le poignet de la jeune femme pour le serrer si fort qu’elle aurait regretté de l’avoir touché ainsi. Personne, personne ne devait le toucher. C’était comme signer son arrêt de mort. Le contact physique, il détestait ça, si bien que dès qu’on l’effleurait, cela virait en baston, et non, je n’exagérais pas. Demandez à cet homme il y a trois jours, qui a volé en dehors du bar, emportant la porte avec lui, après avoir menacé le jeune homme et l’avoir chopé par le col de sa chemise. –bon, après ça, les gens du lieu l’avait coursé en criant « vampiiire ! », mais c’était pas important à dire.–

Enfin bref, la femme eue de la chance, elle avait enlevé sa main avant que ça n’arrive de toute façon. Voilà qu’à présent elle voulait connaitre son nom… Décidément, elle était sans gêne ! Elle croyait qu’il allait aussi facilement lui délivrer son identité ? Hors de question.

« –Tu m'énerves, mêles toi de tes affaires. On ne t'as pas dit que questionner les étrangers, c'était dangereux ? T'as la langue bien dégourdie dit-moi. »

Puis il se mit à sourire à nouveau, et cette fois ci, c’était de manière vraiment méchante. Ça lui était égal de se la mettre à dos. Après tout, qu’est-ce qu’elle ferait ? Elle allait pleurer et aller voir les mecs de la sécurité, en mode « ce méchant monsieur est méchant, virez le ! » ? Ce serait ridicule, et puis il ne comptait pas rester alors autant ne pas se gêner à dire les choses qu’il voulait dire. C’était dommage, il aimait beaucoup l’alcool qu’on servait ici… Tant pis ! Il reprit donc de plus belle, répondant cette fois ci à son précédant regards, où cette fois ci un air de défis brûlait aussi.

« –Quelle jeune fille de bonne famille tu dois être... Totalement ravissant. Ta façon de penser n'excelle pas ton physique ; superficielle. »

Et voilà, c’était réglé. Elle allait piquer sa crise, et Elestial allait partir, bien sagement, comme il était venu. Enfin… C’est ce qu’il croyait.

A force de se faire sonder du regard par la femme qui se tenait en face de lui et qui ne semblait pas plus vexée que cela par les propos du brun –voir même en riait intérieurement au vu de son petit sourire–, Elestial sentait ses nerfs se tendre, se tendre, se tendre… Pour bientôt se nouer tellement le stresse lui bouffait la tête. Toutefois, la pression retomba légèrement en entendant le petit récit d’Heather, et donc sur le fait qu’elle ai été « presque élevée » à la rue. Le brun compatissait. De toute son âme, car il n’y avait pas pire. Lui, il n’avait pas « presque » connu ça, au contraire, il y avait mis plein pied et ce pendant très longtemps. Alors qu’il était encore gosse, totalement livré à lui-même, chassé par ses propres géniteurs. Mon dieu, si seulement il pouvait oublier la morsure horriblement douloureuse du froid de l’hiver, de la neige qui en devenait chaude tellement il ne ressentait plus la sensation glacée de celle-ci à force que ne trop la côtoyer… Encore maintenant d’ailleurs, il ressentait comme une sensation pareille à la neige chaude, lorsqu’il pleuvait sur sa peau gelée par ce qu’il était devenu. Seul le sang en lui faisait qu’il réussissait à devenir aussi chaud qu’un humain normal l’était lorsqu’il s’était réfugié dans une couette au coin du feu. Enfin bref. Il ne voulait pas repenser à ça, pas maintenant en tout cas. Car déjà que ses nerfs étaient en pelote, je n’ose pas imaginer dans quel état il aurait été en plus, après.

Les yeux rivés sur elle, Elestial la regarda écraser le pied d’un homme, puis n’eu pas le temps de dire quoique ce soit qu’il se retrouvait entraîné vers le comptoir du bar par la Lewis. Sans gêne… Franchement, elle était sans gêne ! Elle s’accouda tranquillement, redemandant le prénom du brun. Ce dernier soupira, se disant qu’il allait vraiment un de ces jours, se faire un stock de bouteille dans sa chambre et ne plus jamais ressortir de celle-ci, comme ça il éviterait de rencontrer des gens et de parler. Ce qu’il détestait ça !

« – ... Elestial. »

Non, il ne disait pas son nom de famille, car il trouvait ça inutile. Elle ne voulait pas sa carte d’identité pendant qu’elle y était, non ? Lassé, Elestial leva son regard vers le barman qui s’agitait dans tout les sens pour servir des invités. Alors qu’il allait se redresser et partir sans rien dire d’autre, se retourna et là, quelqu’un lui rentra dedans, renversant sa boisson sur le jeune vampire. C’était un homme baraqué, grand et fort bourré qui n’avait pas fait attention où il était allé. La chemise et le veston du ténébreux se retrouvaient totalement trempés, encore heureux que c’est été une boisson froide plutôt que chaude… Mais encore, il aurait pu être en colère pour ça ; ce fut autre chose qui lui remonta les nerfs à bloc.

L’homme baraqué –et donc bourré– avait attrapé aussitôt le col d’Elestial et le souleva telle une vulgaire brindille qui ne pèserait même pas cinq grammes. Il se fit alors gueuler dessus des « Tu pouvais pas faire attention, pauvre con ?! » et des « T’es pas seul ici, regarde un peu où tu vas ! » ou encore « Retourne chez ta mère, fils de […] ». En somme, oui, vous l’aurez deviné : ce qu’il ne fallait jamais dire à Elestial. Mais ce ne fut pas tout, et d’où la dernière erreur de l’homme. Celui-ci se croyant ignoré car Elestial mettait du temps à réagir, lui assimila un coup de poing sur la joue. Rapidement, les vigils arrivèrent, tandis que le brun, lui, ne bougeait pas d’un millimètre. Alors que les hommes de la sécurité essayèrent de repousser le grand baraqué, Elestial leva sa main, lentement, et sous la surprise des gens autour, un hurlement se fit entendre, suivit de craquements d’os pas très glamours. Le brun venait en fait, de saisir le poignet du gars qui l’avait soulevé, serrant celui-ci si fort qu’il lui avait carrément broyé l’os. C’était ça, la force d’un vampire. Une force incommensurable qui pouvait très bien apporter le cahos et faire fuir de peur les mortels.

Il se fit donc lâcher, l’homme en face hurlant tellement il souffrait. Elestial releva doucement la tête, si lentement qu’on aurait pu croire qu’il était calme, mais… Mais la colère marquait chaque trait de son visage inexpressif. Comment définir quelque chose d’aussi irrationnels que de tels propos ? Disons que l’expression de ses yeux trahissait ce calme ambiant dont il faisait preuve… Des yeux bleu, mais on aurait pu presque discerner un rouge bruler la couleur glace de ceux-ci. Dès qu’on le mettait en colère, c’était toute une haine enfouie qui resurgissait. Il ne hurlait pas, il ne criait pas, il ne faisait que regarder en un premier temps d’une manière meurtrière cet enfoiré qui avait osé lever la main sur lui. Les vigils comprirent que la menace viendrait surement plus du brun que du baraqué, mais ils ne le comprirent que lorsque d’une vitesse fulgurante, le vampire fit une rotation dans le sens horaire pour envoyer de plein fouet un puissant coup de pied qui fit voler l’homme jusque dans le mur, bien plus loin. Des hurlements retentirent alors, tandis que les vigils, choqués, n’osaient même pas bouger. Ce n’est que lorsque l’un d’eux sortit un revolver, qu’Elestial s’avança vers la sortie, dans un calme et un silence exemplaire. Pourtant –encore une fois-, ses poings étaient serrés, au maximum. Il en était même venu à se planter les ongles dans la paume de sa main, ce qui au début le fit saigner, laissant une goute, puis deux sur le beau sol ouvrager du lieu publique.

Un bruit de balle retentit, et Elestial se la pris en plein dans le cœur. Il se stoppa, alors que les gens affolés s’étaient stoppés pour crier encore plus d’effrois. Cela s’accentua lorsque du sang commença à tâcher la chemise blanche et le veston grisâtre du jeune homme, avant de couler bientôt abondamment le long de ses vêtements. Les vigils n’attendaient qu’une chose : qu’il tombe à présent à terre… Mais… Ce n’était pas si facile que ça de tuer un vampire.

L’air de rien, Elestial releva la tête vers les deux hommes de la sécurité. Il s’avança alors, et les gens hurlèrent en se bousculant vers la sortie de secours en voyant un tel miracle se produire. Le tireur était pétrifié, et lorsque le brun fut à son niveau, il ne pu comprendre ce qu’il se passa ; en moins de deux, il se retrouvait avec le bras dans le dos, puis un second craquement se fit entendre suivit d’un hurlement ; il lui avait totalement tordu le bras. Quiconque osait s’en prendre à Elestial devait le payer cher. Il ne s’était que trop fait humilié, torturé, et j’en passe depuis trop longtemps, alors dès qu’on osait le toucher, maintenant… Il déversait sa haine. Surtout lorsqu’on osait pointer un revolver sur lui, et qu’on osait aussi le frapper au visage. Le deuxième vigil se rua sur son collègue et tenta de l’aider, mais en vain ; lui aussi vola un peu plus loin d’un coup de pied dans la mâchoire.

Plus ça allait, plus la haine ne faisait qu’augmenter ; Elestial avait besoin de s’en aller, et vite. C’est ce qu’il fit d’ailleurs, se rendant compte qu’il était peut-être allé trop loin ; il se mit alors à courir vers la sortie, poussant les gens qui essayaient de l’en empêcher –et qui n’avait pas vu précédemment la scène–. Dehors, il courut vers le bord de la tamise comme il souhaitait le faire depuis pas mal de temps déjà, et une fois arrivé là bas, posa ses mains tremblantes sur le rebord d’une barrière qui empêchait quiconque de tomber dans l’eau. Il se mit à haleter, et de la buée se formait à chaque fois qu’il soufflait. Son sang coulait un peu trop vite, et cela était dangereux ; il n’avait pas bu de sang depuis… Depuis qu’il avait été vampire, en fait. Il ne voulait pas mordre qui que ce soit. Jamais. Quitte à en crever, ça lui était égal. Mais pour guérir, il en avait besoin, alors…

Passablement irrité de tout ça, il serra d’une grande force la barre de fer de la barrière, et gueula malgré l’heure tardive en direction de l’océan « –MERDE !! ». Peut-importe s’il réveillait quelqu’un, ça lui était égal. Tout ce qui l’importait, était d’essayer de retrouver son calme.